Chapitre 17
Je quittai hébétée la maison d’Adam. J’étais sous le choc.
Je pris le Taser avec moi, ainsi que les sacs de courses que j’avais laissés dans la chambre. Comme Adam commençait à retrouver le contrôle de ses membres quand je fus sur le départ, je lui tirai une nouvelle décharge. Il essaya de dire quelque chose – sans aucun doute un compliment à mon endroit –, mais l’électricité avait trop endommagé son système nerveux et il se contenta de me lancer un regard plein de rage quand je sortis.
Quand je parvins sur le trottoir, mes joues étaient couvertes de larmes. Je les essuyai d’une main rageuse puis passai un appel anonyme au 911 depuis le téléphone portable de Val.
Je ne regrettai d’avoir passé cet appel que une heure plus tard, quand je pris une chambre sous un faux nom dans un motel miteux près de l’aéroport. Lorsque la porte se referma derrière moi et que je fus enfin capable de lâcher la bride, je me jetai sur le lit et éclatai en sanglots, en n’étant même pas certaine de savoir pourquoi je pleurais.
De chagrin après la mort de Val ? Peut-être. De culpabilité à cause du rôle que j’y avais joué ? Certainement. De peur pour ma vie ? Il y avait de ça aussi.
Quand les larmes eurent fini de couler, me laissant épuisée de corps et d’âme, je réfléchis enfin à ce que je venais de faire à Adam. Mon appel anonyme suffirait-il pour déclencher un mandat de perquisition ? Adam aurait-il le temps de cacher les preuves avant l’arrivée des flics ?
Si ces derniers trouvaient le corps de Val et qu’Adam était exécuté comme démon criminel, pourrais-je vivre en me regardant en face ?
Mes tempes se mirent à battre violemment. Je me traînai jusque dans la douche en espérant que l’eau chaude m’apaiserait mais, bien sûr, cela ne marcha pas.
Ce n’était pas la première fois que j’agissais avant de réfléchir. Mais jamais les éventuelles conséquences n’avaient été à ce point terribles. Je priais pour qu’Adam ait caché le corps et les preuves, je priais pour ne pas avoir à affronter les conséquences de mes actes.
D’accord, techniquement, c’était Adam qui aurait à les affronter, mais je suis vraiment très, très bonne pour me sentir coupable, et je m’en étouffais presque. Finalement, je n’avais pas agi une seule fois de façon sensée depuis le moment où j’avais appris que j’étais possédée.
Me sentant larmoyante à l’extrême, j’appelai Brian. Vu la façon dont je l’avais quitté, je ne savais pas s’il répondrait à mon appel, mais j’avais réellement besoin de me tourner vers quelqu’un. Je m’étais aliéné toutes les personnes qui comptaient, je ne m’étais jamais sentie aussi seule de toute ma vie.
Je tombai sur son répondeur. Je me sentis mieux rien qu’à entendre sa voix sur le message, ce qui en dit long sur mon état d’esprit. J’attendis un peu pour voir s’il décrocherait, mais il ne le fit pas. Je lui dis que j’étais désolée, que je l’aimais et que j’essaierais de l’appeler plus tard.
La migraine empira, la douleur me poignardait l’orbite jusqu’à la base du crâne. Je demandai de l’aspirine au type de l’accueil sans que cela arrange mon état. Je me demandais si je n’étais pas en train de faire une attaque ou un truc dans le genre. J’avais déjà eu des migraines dues au stress auparavant, mais jamais comme celle-ci.
Gémissant de douleur, je m’allongeai sur le lit en serrant l’oreiller contre mon visage pour bloquer toute lumière, mais la douleur ne s’apaisait pas.
Jusqu’à ce que j’ouvre les yeux et que je me retrouve encore une fois dans la pièce de Lugh. La douleur avait fort heureusement disparu. Cependant, il me suffit d’un regard vers Lugh pour que mon soulagement s’évapore.
Cuir noir, comme d’habitude, mais différent cette fois. Il ressemblait à un Hell’s Angel croisé avec un de ces lutteurs professionnels qui jouent toujours les méchants. De lourdes boucles de chaîne argentée décoraient sa veste. Des clous d’argent piquetaient les poignets de ses mitaines. Et, au lieu de ses habituelles et élégantes bottes en cuir, il arborait des écrase-merdes lourds à l’apparence menaçante.
Son expression me disait que j’étais la merde qu’il avait envie d’écraser. Je m’efforçai de me réveiller mais – comme c’est bizarre –, cette fois, je n’y parvins pas.
Lugh avança vers moi, les poings serrés de part et d’autre de son corps, les yeux brillant comme des phares. Je reculai. Bien que ce soit un rêve, il était tout à fait capable de m’y faire du mal.
Il continuait à avancer et moi à reculer, jusqu’à ce que je bute contre un mur plus proche que je l’aurais cru. Peut-être ne se trouvait-il pas là jusqu’alors. Je levai les mains dans un geste de défense pendant que Lugh parcourait le peu de distance qui nous séparait.
Il était aussi impossible à repousser qu’un tank. Son torse percuta mes paumes et appuya sur mes bras. Faisant claquer ses mains sur le mur de chaque côté de ma tête, il se pencha vers moi.
Adam faisait peur quand il était en colère, mais Lugh était le pire des cauchemars. La menace irradiait de lui en ondes quasi palpables, battant contre mes instincts de défense. Tous les nerfs de mon corps imploraient que je prenne mes jambes à mon cou alors que j’étais incapable de faire bouger le moindre de mes muscles.
Où aurais-je pu aller de toute façon ? Il occupait mon espace personnel et ne partirait pas avant de l’avoir décidé.
Je déglutis et fermai les yeux, incapable de soutenir la pression de son regard.
— Morgane Kingsley, tu es une imbécile, gronda-t-il.
Et je veux dire, gronder. Sa voix était à peine humaine.
Je tremblais de terreur. Croyez-moi, je ne suis pas du genre à trembler. La bravade est une amie personnelle, mais là, il m’était impossible d’en dénicher la moindre goutte.
— Dis-moi seulement ce que tu comptes faire, poursuivit-il toujours de ce grondement horrible. Tu n’as plus de maison, tu n’as plus d’amis, tu n’as pas d’argent et tu as fui le seul homme qui était en mesure de t’aider !
Il était tellement en colère que je sentis des gouttelettes de salive piqueter mes joues. Vous parlez d’un rêve réaliste…
— Ouvre les yeux et regarde-moi ! m’ordonna-t-il.
J’avais trop la trouille. Je croyais qu’il partirait si je n’ouvrais pas les yeux, un peu comme le monstre planqué sous le lit.
Mais il était toujours là.
Sa main dure et forte se referma sur ma gorge et serra.
Je suffoquai et mes yeux s’ouvrirent d’eux-mêmes. Une fois que je croisai son regard, je ne pus détourner les yeux. Pourtant j’en avais envie, vous pouvez me croire.
Me tenant toujours par la gorge et serrant juste assez fort pour me rendre la respiration difficile, il se pencha en avant jusqu’à ce que son nez touche presque le mien.
— À la seconde où tu vas te réveiller, tu vas appeler Adam et lui demander de venir te chercher. En espérant, en fait, qu’il n’a pas été arrêté à cause de toi.
Je saisis son poignet à deux mains pour lui faire relâcher son emprise sur ma gorge. Je ne fus pas surprise de ne pas le voir broncher.
— Il se peut qu’il ne me laisse pas revenir, parvins-je à prononcer avec le peu d’air que je pus aspirer.
Il fallait bien que je respire, même en rêve.
— Il acceptera. Au contraire de toi, Morgane, il n’est pas assez puéril pour se laisser diriger par ses émotions. Il sait qu’il y a plus que ta vie en jeu dans cette histoire.
— Tu ne comprends pas. Je l’ai vu tuer Val de sang-froid !
— Je ne comprends pas ? (Il me secoua tant que mes dents cliquetèrent.) Je suis le passager de ton corps. Je peux lire tes pensées. Je comprends exactement ce que tu as fait. Je comprends que tu étais en colère contre toi-même pour l’avoir laissé faire du mal à ton amie et que tu as reporté ta colère sur lui de la pire manière qui soit.
Je dus de nouveau fermer les yeux, incapable d’affronter la colère de Lugh, incapable d’affronter ce que j’avais fait.
Parce que, bien sûr, Lugh avait raison.
Il lâcha ma gorge. Même les yeux fermés, je sus qu’il s’était écarté sans que j’aie entendu de bruit de pas. Je me laissai glisser dos au mur jusqu’à ce que mes fesses touchent le sol. Les paupières toujours closes, je portai une main à ma gorge, en quête de contusions. Je n’en trouvai pas.
Quand j’eus rassemblé suffisamment de courage pour ouvrir les yeux, je vis qu’il avait fait apparaître une bergère sur le bord de laquelle il était assis, à environ trois mètres de moi. Ses yeux rougeoyaient encore et son attitude était toujours rigide et empreinte de colère mais, au moins, il m’avait accordé de l’espace pour respirer.
— Si tu connais mes pensées, alors tu sais combien je me sens désolée pour ce que j’ai fait, dis-je d’une voix faible et essoufflée. Si je pouvais revenir en arrière, je n’agirais pas ainsi. Mais je ne suis qu’un être humain. Et le voir tuer Val, l’entendre me dire qu’il serait également capable de tuer Dominic sans se sentir coupable, c’était trop choquant pour que je puisse le digérer. J’ai craqué.
Les épaules de Lugh s’assouplirent un peu et j’eus l’impression que ses yeux rougeoyaient moins.
— Adam n’a pas souvent foulé la Plaine des mortels, dit-il.
Dieu merci, il ne grondait plus. Cette voix m’avait plus perturbée que je n’avais voulu l’admettre.
— Il prend conscience que les humains ne comprennent pas très bien les démons, continua Lugh. Il ne se rend pas compte que l’inverse est également vrai.
Si psychanalyser Adam calmait Lugh, j’étais partante pour une séance.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Ce qu’il t’a dit était stupide, une erreur tactique. Et tu ne comprends pas complètement ce qu’il voulait dire.
— Toi si.
Il haussa les épaules. Oui, le rougeoiement de ses yeux s’éteignait. Alléluia !
— Je suis un démon, alors, oui, je comprends. Je vais essayer de t’expliquer, mais je ne te garantis pas d’y arriver. (Il se sentait si chaleureux et si confus envers moi qu’il m’adressa même une esquisse de sourire.) Tout comme je ne peux pas te garantir de pouvoir faire comprendre à Adam pourquoi un humain se sent coupable de ce qu’il fait. Ce n’est pas parce que nous n’éprouvons pas d’émotions. Ni parce que nous ne ressentons pas de culpabilité. Tu te rappelles comment Adam a réagi quand tu as révélé à Dominic que son démon n’était pas mort ?
J’acquiesçai. Comment aurais-je pu l’oublier ? Et, oui, refuser de se soigner était de toute évidence un signe de culpabilité.
— De par notre nature, nous sommes des êtres très pragmatiques. Nous ressentons la culpabilité et le regret seulement quand nous croyons que nous aurions pu agir différemment. Mais nous acceptons mieux que les humains ce que nous ne pouvons pas changer.
J’y réfléchis un peu en faisant rouler cette idée dans ma tête pour essayer de la comprendre.
— Alors Adam pourrait tuer Dominic sans éprouver de remords tant qu’il croit que c’est quelque chose qu’il ne peut pas changer ? même s’il aime beaucoup Dominic ?
Lugh sourit gentiment.
— Il l’aime un peu plus que « beaucoup » mais, oui, c’est ce qu’il a voulu t’expliquer. Quand il aura acquis plus de connaissances sur les pensées et sentiments humains, il comprendra pourquoi ce n’était pas le moment choisi pour te dire ça.
Je n’étais pas certaine qu’il existe un moment choisi pour exprimer de telles choses. Ce qui était certain, c’est que cela me montrait à quel point on pouvait faire confiance à un démon. Savoir que peu importait combien ils pouvaient vous aimer, ils seraient tout à fait prêts à vous tuer si la situation le justifiait n’était pas une pensée très rassurante. Lugh pouvait qualifier cela de « pragmatique », je me demandais si « sans pitié » ne convenait pas mieux.
— Je pense qu’il y a autre chose qu’il faut que tu saches, poursuivit Lugh. Quelque chose qui t’aidera à mieux accepter Adam.
S’il croyait que j’allais « accepter » Adam, il se faisait des illusions. Naturellement, je ne lui fis pas part de cette pensée, bien que je suppose qu’il la connaissait de toute façon.
— Le plaisir qu’Adam ressent à provoquer la douleur ne relève pas du sadisme humain classique.
Sadisme humain classique ?
Je crois que Lugh entendit cette réflexion, parce qu’il m’adressa un sourire fugace.
— Un humain qui prendrait plaisir dans ces excès n’éprouverait aucun scrupule concernant la façon d’obtenir ce plaisir. Un humain n’aurait pas modéré ses goûts pour son amant comme Adam l’a fait avec Dominic. Ces quelques traits psychologiques, qui accompagneraient un sadisme de ce niveau s’il était humain – un besoin de dominer et d’humilier, tout d’abord –, ne se retrouvent pas chez Adam. J’ai mentionné le fait qu’il n’avait pas beaucoup foulé la Plaine des mortels. Dans notre pays, nous n’avons pas de corps, ce qui veut dire que nous n’avons pas le sens du toucher. Ce n’est pas rare que les jeunes démons inexpérimentés soient fascinés par la nouveauté du contact et, de fait, qu’ils apprécient même des sensations que les humains considéreraient comme étant désagréables.
Cette conversation me mettait extrêmement mal à l’aise – j’essaie d’être tolérante mais, de toute évidence, je n’y arrive pas toujours – et je voulais en finir aussi vite que possible. Malheureusement, ma bouche ne tint pas compte de cette note interne et j’invitai mon interlocuteur à développer son propos.
— D’après ce que j’en vois, il prend du plaisir à faire du mal, mais pas le contraire.
— Je suis certain qu’il trouve les deux rôles attrayants et fascinants.
Je me souvins de ses cris de douleur quand Dominic l’avait fouetté, et je me rappelai également avoir pensé qu’il ne semblait pas y avoir pris le moindre plaisir.
Apparemment, Lugh lut dans mes pensées et répondit à la question que je ne voulais pas poser.
— Même pour ceux qui trouvent certaines sensations fascinantes, il y a des limites à ce qu’ils peuvent supporter. Je soupçonne qu’Adam a expressément ordonné à Dominic de dépasser ses limites. Je crois qu’il a pensé que c’était le seul moyen d’expier ce qu’il avait fait.
Cela tenait debout. Je ne voyais pas d’autre manière de voir dans ce qui s’était passé autre chose qu’une pénitence. Pour que c’en soit une, il fallait que ce soit désagréable. Je n’étais pas certaine d’avoir compris tout ce que Lugh venait de m’expliquer. Ce que j’avais fini par admettre, c’était qu’il ne fallait pas toujours interpréter les actes d’Adam selon la psychologie humaine.
Je suppose que c’est mieux de savoir qu’on ne comprend pas tout. Ça évite d’émettre de fausses hypothèses ou, du moins, cela permet d’en avancer moins. C’est ce que j’espérais.
— Alors, maintenant que tu sais tout ça, est-ce que tu vas retourner chez Adam ? demanda Lugh.
Mes entrailles de trouillarde se mirent à hurler « non ! ».
— Je vais y réfléchir, dis-je.
Lugh se raidit de nouveau.
— Tu n’y réfléchis pas, tu le fais.
Je me hérissai.
— Tu es peut-être le roi des démons, mais pas le mien. Je vais y réfléchir.
Lugh se leva. Le rougeoiement sinistre envahit une nouvelle fois ses yeux.
— Je te conseille de réfléchir très, très vite.
— Sinon ? demandai-je.
Je n’essayais pas du tout de jouer la maligne – j’avais simplement perçu le sous-entendu menaçant et je tenais à connaître la nature de cette menace.
— Ou je devrais reprendre mes efforts pour te contrôler quand tu es consciente.
Je bondis aussitôt.
— Conneries ! Si tu pouvais me contrôler, tu l’aurais déjà fait.
— Quand je suis parvenu la première fois à prendre le contrôle de tes rêves, j’ai cessé d’essayer de contrôler ton corps. Tu vois par toi-même que je me suis amélioré dans le contrôle de tes rêves. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour le contrôle de ton corps ?
Mon estomac n’appréciait pas vraiment cette conversation.
— Tu essaies juste de m’intimider pour que je fasse ce que tu veux. Ça ne marchera pas.
— Pourquoi crois-tu que tu as eu cette horrible migraine ce matin ?
Cette question me pétrifia, mais seulement l’espace d’un instant.
— Le stress a pu la provoquer.
— Et aussi le fait de résister à un démon.
Je déglutis.
— Tu es en train de me dire que tu essayais de prendre le contrôle et que c’est pour ça que j’avais mal à la tête ?
— Oui. Je me suis juré de ne pas interférer avec ta vie plus que nécessaire mais, quand tu fuis la seule personne capable de t’aider, je dois te protéger de ta propre stupidité.
Ce fut mon tour de gronder.
— Je peux me protéger toute seule ! Reste en dehors de ça.
— À supposer que je le puisse, je ne le ferais pas. Dois-je encore te rappeler qu’il y a davantage en jeu que ta seule vie ? As-tu l’esprit obtus à ce point ?
— Oui ! criai-je, en colère et terrifiée et désespérée. Je n’ai jamais voulu être une fichue héroïne. Si j’avais voulu en être une, je me serais portée volontaire pour héberger un démon. Je suis une petite garce égoïste et à l’esprit obtus, qui ne veut qu’une chose : vivre sa petite vie sans importance en paix. Je n’ai jamais voulu que ce salopard de Raphaël torture le putain de roi des démons en me le refilant !
J’aspirai une grande goulée d’air – j’avais parlé jusque-là sans reprendre ma respiration – mais, avant que je poursuive ma tirade, Lugh avait parcouru la distance qui nous séparait et m’enveloppa de ses bras.
J’essayai de me libérer, mais il était trop fort pour moi. Mon visage finit écrasé contre son torse, sa main évasée sur le côté de ma tête afin de me maintenir en place. Le cuir de sa veste était plus doux qu’il ne paraissait.
Son autre bras entoura mes épaules en une étreinte solide et impossible à briser. Son menton reposait sur le sommet de mon crâne. M’efforçant de me calmer, j’inspirai profondément et happai sa délicieuse odeur, ce parfum inconnu, exotique et musqué qui ne ressemblait à rien de connu.
— Je suis désolé, Morgane, murmura-t-il, sa main caressant doucement mon dos. Je suis tellement désolé que tu aies été entraînée dans cette histoire. Tu ne peux savoir à quel point je préférerais que ce ne soit jamais arrivé, et pas seulement à cause de la menace qui pèse sur moi. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que les choses s’améliorent pour toi et pour que tu sois en sécurité.
Il était si chaud et si fort contre moi que cela sapa toute ma volonté. Je glissai mes bras autour de sa taille et le laissai m’étreindre en essayant, juste pendant quelques minutes, de ne pas penser.
Une chose qu’on peut reconnaître à Lugh, c’est qu’il sait bien prendre dans ses bras. Quand il me relâcha, l’hystérie qui avait failli me submerger quelques minutes plus tôt avait disparu. Je n’en étais pas encore au stade de l’acceptation – il y avait encore bien trop de résistance en moi – mais, au moins, j’étais calme et raisonnable.
Ses mains posées sur mes joues, il leva mon visage vers le sien. Pendant un moment, je crus qu’il allait m’embrasser. Je voulais qu’il m’embrasse, je voulais me perdre dans le plaisir sensuel. Mais lui ne voulait pas, et c’était tout aussi bien. J’aimais encore Brian et, si par miracle je me sortais vivante de cette histoire et que je le persuadais de me reprendre, je ne voulais pas l’avoir trahi, même de la plus infime manière.
Je pris une profonde et apaisante inspiration.
— Si je peux élaborer un plan d’action qui n’implique pas Adam, est-ce que tu me laisseras faire ?
Il haussa les sourcils.
— Je serais très intéressé de connaître ce plan.
Ouais, moi aussi.
— Est-ce que ça veut dire « oui » ?
Il me lança un de ces regards pénétrants que je commençais à détester. Puis il acquiesça lentement.
— Si le plan est bon, alors je ne prendrai pas le contrôle de ton corps. Mais comprends-moi, même si je regrette que tu aies été entraînée dans cette histoire contre ton gré, j’ai des devoirs envers mon peuple et les tiens. Je ne laisserai pas les sentiments interférer dans ce que je dois faire et que je sais être juste.
Ouais, c’était clair comme de l’eau de source.
— Je comprends, lui assurai-je. Laisse-moi vingt-quatre heures pour trouver un autre plan. Si je n’en suis pas capable et si Adam accepte et est en mesure de m’aider, alors je retournerai chez lui.
Je ne pense pas que ce compromis l’emballait vraiment, mais il l’accepta.
Maintenant, tout ce qu’il me restait à faire, c’était échafauder un plan brillant en vingt-quatre heures ou moins.